• Citation #19

    "- J'ai besoin de toi, murmura-t-elle.

    Ils étaient assis dans un café parisien, penchés au-dessus d'une petite table branlante, leurs jambes pressées l'une contre l'autre, comme si leurs corps avaient besoin d'être rassurés par la présence de l'autre. [...]

    - J'en suis flatté. Je croyais que tu n'avais besoin de personne.

    - Qui peut prétendre cela ? Ce serait faire preuve d'un orgueil insensé.

    - Pourtant, il y a des gens ont tu sembles avoir davantage besoin que d'autres, fit Max d'un ton amer.

    Il marqua une pause et détourna les yeux. D'un seul coup, il se sentait irritable. Il serait bientôt temps pour Xénia de rejoindre son mari. [...] Max avait appris à détester ces ruptures à répétition, autant de petites déchirures quotidiennes, quand il ne lui restait plus qu'à attendre le lendemain en espérant que rien ne viendrait contrarier leurs plans, ni une fièvre subite de l'enfant ni un déjeuner impromptu avec le mari. L'amour adultère est une histoire à éclipses. Parcellaire. Qui se réduit à des éclats de verre aux aspérités tranchantes. Il y en a toujours un qui attend l'autre, les mains vides et le cœur serré, comme sur un quai de gare désert. Quelque chose en lui se révolta et il eut un goût d'amertume dans la bouche. Il était tellement plus exigeant que Xénia. D'elle, il voulait non seulement se ferveur, mais ses jours et ses nuits. Chacun de ses instants. Des souvenirs communs, des complicités, des silences où l'on écoute le temps qui passe et qui nourrissent un amour, lui permettent de grandir et de prospérer. D'elle, il voulait aussi des enfants.

    - Pourquoi lui et pas moi, Xénia ? demanda-t-il d'un ton mordant. Qu'avait-il de plus à t'offrir ? T'aimait-il mieux que moi ?

    - Ce n'est pas toi qui était en cause, mais moi, dit-elle avec un soupir. J'étais encore si jeune. Tu étais si intense, si enthousiaste. Persuadé que tout cela était bien pour nous. A croire que tu pouvais aimer pour deux. Et tu en aurais probablement eu la force. Tout ce que tu touchais se transformait en or. C'était trop beau pour être vrai. Alors que moi, j'étais farouche. Méfiante. D'une certaine façon, peut-être avais-je peur de te perdre ? (Elle eut un mouvement d'épaules.) Il faut croire que j'ai manqué de foi.

    - Et aujourd'hui, Xénia, comment peux-tu te contenter de si peu ? Tu fais l'amour avec moi, mais tu partages ta vie avec un autre. Tu ne l'aimes pas, c'est évident. Sinon, tu ne viendrais pas me retrouver tous les jours depuis des mois ? A mes côtés, tu vis, Xénia. Tu le sais, n'est-ce pas ? Je te connais par cœur. Je le devine à ta démarche, à ton regard, à tes gestes. Si cet homme t'aime, il s'en est sûrement aperçu, lui aussi. Qu'y a-t-il vraiment entre nous ? De la sympathie, de la reconnaissance ? Mais ça ne veut rien dire. c'est petit. Médiocre. Comment peux-tu accepter de vivre un mensonge quotidien ? Et pendant combien de mois, d'années penses-tu continuer cette mascarade ? Jusqu'à ce qu'on soit vieux tous les trois ? Et si je te disais de le quitter, de venir vivre à Berlin et de m'épouser ? Que dirais-tu ? Aurais-tu soi-disant moins peur aujourd'hui ? conclut-il d'un ton presque dédaigneux.

    [...] Xénia le trouva tellement beau qu'elle eut mal."

    La louve blanche, Teresa Révay

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